Du devoir d'aider son collègue

Après un rendez-vous avec un collègue d'une autre division d'Arborae, Ars vit une nouvelle occasion de s'enrichir. Avoir un collègue qui lui devrait une faveur, ce n'était certes pas une opportunité qui se refusait ! Il gratifia cette autre personne d'une poignée de main robuste en le regardant, un large sourire aux lèvres.

"Je m'occupe de tout, ne t'en fais pas. Je te demanderai seulement ton soutien à la prochaine réunion décisionnaire."

De retour à son bureau, il chargea un assistant de lui trouver un mercenaire.

Le lendemain soir, une personne était censé se présenter à son bureau. L'heure était tardive, 22h30, mais ce n'était pas un problème à Neo Arca. Et puis M. Vrana ne ménageait pas ses efforts à la tâche. Un Démon entra dans l'office et lui fut amené par un subalterne. Ars lisait un document qu'il déposa nonchalamment sur son bureau, se levant en ouvrant les bras pour accueillir le nouveau venu.

"Ah parfait, vous avez répondu à l'annonce ! Asseyez-vous, je vous prie. Ars Vrana, et vous êtes ?" Ars désigna l'un des sièges aux allures de fauteuil en face de son bureau. "Avant de commencer, un verre, peut-être ? Bourbon, tequila, gin ? On est à Arborae, autant en profiter !"

Qu'est ce qui l'avait poussé à répondre à cette mystérieuse annonce? Difficile à dire. Il y avait bien sur le besoin de manger, il lui fallait bien trouver de petit boulot faute de mieux pour le moment. Mais aussi, plus insidieux, la provenance de cette annonce. Aborae, ça en jetait un max.

C'était la première fois qu'il rentrait dans le siège de la corpo. C'était très classe. Il s'y laissa guider le nez en l'air observant les détails de ce lieu… Qui qu'était celui qui l'avait fait venir cela devait être quelqu'un d'important, quelqu'un d'influent… le genre de mec pour qui il aimait travailler. Non pour qui il avait besoin de travailler… peut être, il fallait le voir.

Il ne tarda pas à entrer dans le bureau. Un homme plutôt classe bien qu'un brin expressif, sûrement une façade pensa le démon. Il lui tendit une poignée de main respectueuse.

"Je suis Sigmir, monsieur Vrana…"

Il s'installa sur le fauteuil désigné. La proposition du verre fit courir un frisson sur son échine. Il adorait l'alcool, surtout en ce moment alors qu'il n'avait personne pour le réfréner. Il fut incapable de refuser et leva ses yeux noire vers l'homme.

"Du Gin, je vous remercie… Pas plus d'un verre s'il vous plaît…"

Il fallait qu'il le précise, finir saoul ne donnait pas une bonne image. De lui même il serait incapable de ce réfréner. De gêne il passa une main dans ses cheveux et sur une corne.

"Que puis-je faire pour vous serv... aider monsieur Vrana? Votre annonce était mystérieuse."

Sa langue avait presque fourchée, foutue habitude quand il se trouvait avec quelqu'un qui avait un brin de charisme.

Un gars plutôt jeune, comme tous les Démons, tout droit sorti de 2 siècles en arrière : le gars en noir et blanc ! Ars hocha la tête poliment en s'amusant de sa remarque interne.

"Enchanté, Sigmir ! Du Gin, hein. On aime l'amertume, je n'ai pas de pamplemousse ou de campari pour aller avec, malheureusement." Le Corpo lui tendit un verre de gin avec des glaçons avant de s'asseoir à moitié sur son bureau, en face du Démon. Gardant son sourire vissé sur le visage, tandis qu'il se prenait un bourbon et trinqua avec son invité. "Navré si l'annonce était hermétique, c'est mon assistant qui a géré ça. Vous en faites pas, ce n'est rien de compliqué. Un mec n'a pas respecté la volonté d'Arborae, faudrait lui faire rentrer du plomb dans la tête. Au sens figuré, bien sûr."

Ars savoura son breuvage, décidant ensuite d'y ajouter une tranche d'orange. Les fruits étaient rares en ville, travailler chez Arborae offrait quelques avantages en nature. Son sourire ne partit à aucun moment malgré que son ton devint plus glacial, sa voix plus profonde.

"Pour faire simple, vous allez voir le mec, vous l'intimidez, vous le tabassez, s'il doit s'acheter un dentier et vivre dans la peur, ça ne me regarde pas. Les séquelles physiques ne doivent pas durer plus d'un mois. Je ne veux qu'il rentre dans le rang et qu'il soit reconnaissant à Arborae de lui permettre de vendre nos produits. Vous avez un problème moral avec ça, Sigmir ?"

Son commentaire sur l'accompagnement du Gin fut accueilli par un levement d'épaules. Il s'en foutait royalement ce qui lui importait c'était l'éthanol, l'enivrement que cela procurait. Le reste n'était que fioriture pour les riches selon lui. Mais il ne fit aucun commentaire, inutile d'exposer ses faiblesses, il valait mieux écouter ce pourquoi il était venu.

Un message musclé. C'était clairement dans ses cordes. Fort heureusement Ars précisa qu'il ne s'agissait pas de premier degré, tuer ne dérangeait pas le démon, seulement il ne le faisait pas pour n'importe qui.

"Heureusement, le plomb ça fait gicler."

Le ton n'y était pas, mais c'était bel et bien de l'humour noire. Il écouta détailler ce qu'il attendait de lui. Rien de bien différent de ce qu'il avait toujours fait en soi. Qu'importe le niveau social tout le monde avait quelqu'un à tabasser dans cette ville. Sa question sur la morale fut accueillie par un nouveau haussement d'épaules. Il n'avait presque pas de sens moral propre.

"Je suis né en dessous… Tant que vous ne me demandez pas d'égorger un chaton…"

Il adorait les chats. Comme si cette explication se suffisait à elle-même. Il but une longue gorgée de Gin savourant le brûlant de l'alcool dans son œsophage avant de quérir quelques précisions.

"Le tabassage suffit où il faut que je lui dise quelque chose? Il faut que le message passe à d'autres? Genre que cela se voit? Comme un nez et un genou en miettes? Où voulez-vous un message pour lui seul?"

La violence ne le gênait pas, il avait le sens du détail et devait savoir ce qu'il voulait vraiment faire passer.

Sigmir ne semblait pas vraiment se soucier du contenu du verre, à son haussement d'épaules. Ars n'en avait que faire, à dire vrai. Il ne lui avait pas ouvert les portes de son bureau par sympathie envers son prochain, après tout. À peu de choses près, on pourrait même dire que c'était l'exact opposé qui avait réuni ces deux individus ici. Il lâcha un petit soupir approbateur en guise de réponse à la boutade du Démon. Quant à sa remarque sur les chatons, elle laissa presque le businessman perplexe, avant qu'il ne se ravise. C'est vrai, les Démons et leurs paroles insensées.

"Les chatons ne sont pas des concurrents dans mes affaires, alors je suppose que l'on est préservé de la crainte d'avoir à les confronter. Non, juste cet individu, bientôt la cinquantaine, humain, mâle, un seul enfant connu, un garçon maintenant adolescent, lui et sa femme sont divorcés."

Ars continua de boire, réfléchissant à ce qu'il pourrait dire à l'individu face à lui, alors qu'il faisait tourner le liquide brun dans son verre, l'orange se promenant.

"Le message est simple, il doit accepter que désormais, il travaillera pour Arborae. Il devra bien accepter de venir signer nos contrats. J'avoue ne l'avoir jamais rencontré et je me moque bien de ce qui lui arrive, soyez créatif si vous le souhaitez, tant qu'il ne demeure pas invalide trop longtemps. Son cul nous appartient déjà, je veux qu'il le comprenne."

On pourrait presque oublier qu'il rendait service à un collègue, en embauchant quelqu'un pour pareille tâche, Ars s'amusait en son for intérieur à se dire qu'il tendait une main secourable à une autre personne.

Un fin sourire souleva les lèvres du démon à la réflexion que le corpo eut sur les chats. Cet homme avait de l'esprit, c'était plaisant. Il se trompait par contre sur les chats, il était aussi câlin que démoniaque, au sens biblique du terme. Mais il n'en dit rien, les informations sur sa cible étaient beaucoup plus importantes. Un homme à priori isolé, vieux de son point de vu. Ça avait l'air simple, ce serait de l'argent facile. Bien.

Il bu un autre tiers de son verre avant de laisser un nouveau soupir. C'était plaisant, l'alcool était plaisant, mais pas seulement. Avoir une mission, donné par quelqu'un d'important, c'était ça sa vrai came. Même si ce n'était que ponctuel, cela apaiserait ses pulsions.

"C'est mieux les messages simples, ça rentre plus facilement. Dès qu'il a plus de cinq mots il faut taper moins fort…"

Pas d'humour cette fois, mais un pragmatisme froid.

"…J'éviterai les mains dans ce cas..." il mima une signature dans le vide expliquant cette fois le trait d'humour sordide. Il leva les yeux sur cet homme dont il avait envie de satisfaire. "Ne vous en faite pas, il comprendra… vous avez un nom? Une adresse? Ou mieux encore une photo?"

Il ne le stipula pas clairement mais il avait déjà accepté, sans même demander le prix, mauvaise habitude, foutu obsession. Il espérait toutefois qu'il ait plus d'info que cette brève description parce qu'il devait tabasser tous les corpos cinquantenaires divorcés il n'avait pas assez de sa courte vie.

En attendant les réponses du Démon, le Corpo se saisit de la tranche d'orange avant d'en manger la pulpe dégoulinant du spiritueux. Son sourire s'élargit avec les questions du mercenaire.

"J'en conclus que nous avons un accord, c'est bien. J'apprécie de travailler avec des gens qui se décident vite. Pour tout ce qui est des informations personnelles de votre cible, mon assistant vous donnera ce qu'il faut en sortant."

L'Humain se releva de son bureau, se dirigeant vers les immenses fenêtres derrière son bureau. Il regarda à travers la vitre l'horizon, puis les gens en bas avant de terminer son verre. Puis, il se retourna vers Sigmir.

"Je voudrais que le travail soit fait ce samedi-ci. Il fermera sa boutique vers 1 heure du matin, si je ne m'abuse. Pour ce qui est de vos honoraires... Je vous ferai transférer 2000 crédits, avec un bonus de 25% si je suis satisfait du résultat. Cela vous convient ?"

Il hocha sa tête cornue. Oui il avait un accord, Sigmir irait jouer des poings sur cet homme. Une violence utile, commandée, qui ne lui posait aucun problème, bien au contraire cela l’appaiserait un peu de réaliser une mission pour quelqu’un comme Ars. Pour ce qui était de décider vite, il était démon. Ses semblables ne tergiversaient généralement pas.

Il suivit Ars du regard lorsqu’il se tourna vers la fenêtre. La hauteur de la vue était souvent signe du niveau social. Il termina son verre de gin et le posa en équilibre sur son genou ne sachant pas où le poser ailleurs. L’étonnement faillit le faire tomber. Il avait écarquillé légèrement les yeux à l’annonce du prix; il l’aurait fait pour la moitié, voire le quart du prix, mais il n’allait clairement pas cracher sur 2000 crédits. Reprenant une contenance, il regarda son téléphone pour vérifier la date. Proche certes mais il était inutile de se lancer dans du repérage excessif. De toute façon, ce n’était pas son travail.

“C’est bon pour moi et ce sera fait avant samedi… La tradition demande un acompte, mais si vous m’assurez que le payement sera fait je vous croirai.”

Il était assez fier de lui d’avoir penser à l’acompte, bien des gens ne payaient pas une fois le travail effectué abusant de son obsession.

La hauteur de son bureau était certes appréciable, mais Ars avait déjà eu le loisir de se rendre dans des bureaux de supérieurs, et de constater qu'il pouvait encore gravir les échelons. Du moins en théorie. Dans la pratique, sa place était très confortable au vu de son parcours et de ses origines. Il lui serait difficile de progresser davantage avec des moyens légaux. Ars se rapprocha de son bureau pour y déposer le verre, invitant Sigmir à faire de même d'un geste de la main.

"Oui, s'il vous faut un acompte, je n'y vois rien à redire." L'Humain approcha sa main où se trouvait sa puce de crédit de Sigmir. "Je propose encore une fois 25%, en guise d'acompte."

Le Corpo s'amusa de voir la légère réaction de son invité quand il avait annoncé le prix. Ah, ces prolos.. Une fois la transaction effectuée, Ars se recula d'un pas.

"Pour la date, je tiens à ce que ce soit fait ce samedi, en réalité. Je dois préparer autre chose avant cette date et je ne voudrais pas que votre excès de zèle vienne perturber mon projet." Ars garda ses yeux bleus clairs sur Sigmir. "Vous avez besoin de quelque chose de particulier en plus pour effectuer ce travail ?"

La tâche était établie et même plutôt simple. Le Corpo venait d'embaucher un type qu'il ne connaissait pas, pour tabasser un autre dont il ignorait jusqu'au nom. Juste pour tirer un avantage à une réunion, gagner une voix. C'est le monde dans lequel on vit. Hausse-t-il les épaules intérieurement.

“Cela me va… Vous avez un truc avec les quarts?”

Il hocha la tête, n’attendant pas vraiment de réponse à cette réflexion et lui tendit son poignet droit, celui dont la main n’avait plus toutes ses phalanges. La transaction terminée, il se débarrassa de son verre, le posant près du sien.

Il prit note de la correction qu’il avait apportée.

“J’avais mal compris… Samedi vers 1h du mat… Des dents, un genou, ce genre de chose… C’est noté ce sera fait… Rien de plus simple.”

Il réfléchit à sa question. A priori ses poings suffirait pour ce travail.

“Rien d’autre, sous réserve des informations que me donnerons votre assistant. Mais à moins que sa boutique ne se trouve dans un immeuble de Vae Victis je me débrouillerai.”

Il se leva du siège, lissant ses vêtements.

“Une fois que cela est fait, je reviens vous voir? Je vous envoie un message? une photo? un doigt?”

La dernière proposition était une blague. Enfin presque.

"Ne coupons pas les cheveux en quatre, peut-être."

Ars s'amusa de la question du Démon et, peut-être car ce n'était pas un client important ou à cause de l'alcool, il se laissa aller à ce jeu de mot. Puis, il hocha sérieusement la tête à la réponse du mercenaire.

"Heureux de constater que nous nous comprenons. Bien sûr, aux yeux du public, aucun lien direct avec nous. Pour me prouver que le travail est fait..." Ars balaya rapidement la question d'un geste de la main. "Oh, ne vous inquiétez pas. Je sais que pour vous autres, mercenaires, la réputation d'un travail bien fait est primordial. Si on apprend que vous bâclez vos missions, vous ne trouverez plus de jobs, donc je ne me préoccupe pas de savoir si ce sera fait. Je le sais déjà."

Sans compter que son collègue, celui à qui il rendait service, le tiendrait aussi au courant de l'avancée de cette histoire. Une mèche de cheveux vint se perdre sur le front du Corpo alors qu'il regardait intensément le Démon. Il était près à lui serrer la main et le laisser partir.

"Faites donc comme vous l'entendez, tant que vous ne dépassez pas le cadre de ma demande."

Un fin sourire apparu sur les lèvres du démon à son commentaire capillaire. Il était décidément plein d'esprit, ce n'était pas pour le déplaire.

Il hocha la tête, aucune trace entre eux… c'était impossible, ils s'étaient vus… Le démon était entré dans les locaux, il y avait l'assistant et l'argent. Quoi que ce dernier point, il n'y avait que peu de souci à se faire. Les transactions de ce genre… Et bien les corpos s'en foutaient royalement. Pour le reste c'était à Ars de s'en soucier. Lui ferait sa part, il est fort probable que la victime ne voit même pas son visage.

Il tiqua au mot mercenaire. Cela faisait toujours bizarre de l'entendre, il ne s'identifiait pas ainsi, mais c'était bel et bien ce qu'il était en ce moment. Il n'en avait que faire de sa réputation. Cela lui rappela qu'il n'avait personne à qui se rattacher depuis "Elle".

"Pas de contact donc. Sauf si cela devient nécessaire je n'enverrai rien. Sinon je vous ferez parvenir une preuve de façon intraçable…"

Si le reste du paiement tardait par exemple. Mais cela ferait passer le corpo pour un homme peu respectable. Il lui serra la main en hochant la tête.

"Au revoir monsieur Vrana, ce fut un plaisir."

Il attendit qu'il l'invite à sortir avant de le faire, puis irait récupérer le dossier. Un dossier qui finirait au feu une fois le paiement reçu.